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Mamantrans interview de Claire

13/10/2018 à 18:06

Interview artiste : Claire auteure de « Maman trans »

 

Bonjour Claire 

Pouvez vous vous présenter ?

Bonjour Florence, je suis Claire L., directrice artistique web Freelance, et j’ai repris le dessin (qui ne m’avait pas quitté) depuis janvier 2017 pour faire des illustrations et des bd. J’ai une fille de 10 ans, et je suis en couple avec une amoureuse merveilleuse.

Qu'est ce que « Maman trans » ?

Comment vous est venue l'idée de créer ce site magazine ?

Quel est son but ?

Maman trans est un bd blog, ou je partage des moments de vie dans notre cercle familial direct.

A l’origine Je cherchais des ressources pour accompagner ma fille dans sa compréhension de ma transidentité. Ce que j’ai pu trouver était en anglais (au mieux) et la barrière de la langue rendait le matériel pédagogique inutilisable directement.

 

Ma compagne m’a encouragé à partager mes dessins  et avec son appui en feed-back sur les histoires, je me suis lancée, en juillet l’année dernière : le blog a un an.

Ce qui m’anime aussi c’est de montrer à quel point les relations entre les parents trans et leurs enfants peuvent être simples et saines.

Avec humour et tendresse je cherche à montrer des aspects de vie de famille, qui peut se compliquer vis à vis du monde extérieur quand on est trans.

 

Est ce vraiment actuellement encore un tabou les mamans trans ?  Si oui, vis à vis de qui ?

 Tout dépends de quel point de vue on se place. Aujourd’hui après toutes les démarches accomplies au niveau local, j’ai le sentiment d’être acceptée comme je suis tant au niveau de l’école de ma fille que de mon environnement social.

Ce point de vue est à la fois local et personnel. Et il s’est passé 5 ans avant d’en arriver là. C’est long 5 ans.

5 ans a être (presque) patiente avec mon entourage et accepter que les autres ne comprennent pas facilement ou immédiatement quand il s’agissait d’interlocuteurs / interlocutrices hors milieu trans.

Après si l’on élargit le spectre à la façon dont les personnes trans sont traitées dans les médias on peut observer des améliorations partielles depuis les prises de paroles d’ambassadeurs et d'ambassadrices d’influence, et des années de militances du secteur associatif.

(laverne cox)

dedicace : https://mamantrans.com/love-you-laverne/

 

Dans les médias, la presse etc  on ne parle pas ou peu des parents trans, hormis sous l’angle du sensationnalisme, ou de la fiction (la formidable série d’amazon «Transparent » avec ses 4 saisons).

 

 

Trans lesbienne est, ou a longtemps été, un tabou, même parmi la communauté trans. Comment voyez vous les choses à l'heure actuelle ?

 

Là aussi tout dépend du point de vue duquel on se place. Je ne sors plus dans les boites ou bars du milieu trans / lesbien, entre vie professionnelle et vie de famille je suis devenue plutôt casanière . J’ai fréquenté les bars et soirées pourtant; seulement systématiquement je me suis retrouvée face à du manque d’information qui se traduisait par de l’irrespect. En France en tout cas. Soit ce n’était pas les bons choix d’espaces, soit il y a une ignorance caractérisée des LGB vis à vis des T.

Encore une fois c’est une expérience personnelle que je vous partage.

Je ne peux être que profondément dépitée quand je suis confrontée à des situations excluantes de la part de membres du drapeau arc-en-ciel entre eux. Il n’est pas rare que des personnes qui vivent l’oppression deviennent à leur tour oppresseur, je pense aux événements qui ont eut lieu en Europe qui visaient l’exclusion des femmes trans des espaces communs de lutte ou non, proclamations qui venaient de lesbiennes radicales.

 

Après j’ai fait quasiment autant de pédagogie dans le milieu lesbien que dans le milieu hétéro ...

Cependant pour ce qui est du milieu trans, je n’ai pas de souvenir de réaction vis à vis de ma sexualité. A tel point que … je n’ai pas dessiné sur ce sujet !

 

 

Où en est l'acceptation des parents trans par la société, et des enfants vis à vis des autres enfants ?

(Est ce plus facile pour les enfants , qui ne se font pas de cadeaux , que pour les adultes?)

 

Je n’ai pas suffisamment de recul pour répondre à cette question : parent & trans c’est tout frais pour moi, ça fait 5 ans.

Ma transidentité a été une excuse pour tenter de manipuler mon enfant dans mon entourage. Y compris à travers des démarches agressives juridiques. Heureusement L’amour est plus fort que tout  !

La compréhension et le refus de se servir de ma fille comme un moyen de toucher mon ex conjointe aussi.

Utiliser un enfant contre un autre parent, rend les enfants très malheureux. Ils sont pris dans un conflit de loyauté. (je prépare en ce moment un mini dossier là dessus)

Finalement c’est le lot de nombreux parents divorcés.

En tout cas ca leur est préjudiciable et c’est dommage, parce que Les enfants ont un potentiel génial de compréhension et de découverte : on leur montre que les choses sont possibles et on contribue à leur ouverture d’esprit.

Sur le blog, la première stripe traite de ce sujet  : ma fille ne savait pas et ne voulait pas, parler de ma transidentité à ses camarades. J’étais la tante ... moi j’aurais préféré être la grande sœur ! (Ahahaha).

Et puis ma présence, ainsi que celle de ma compagne, Marie (❤️), a beaucoup contribué à renforcer l’image de notre fiabilité de parents à ma fille.

Je pense que c’est un élément fort pour un enfant, un couple solidaire apporte de la sécurité quand il est là pour elle.

 

Enfin ma fille a sa subtilité, elle a 10 ans surtout, ça n’est pas simple de formuler concrètement des sujets qui la questionne. Et puis sa tendresse aussi, pour ne pas me blesser : le deadnaming ou le mégenrage elle sait bien ce que ça signifie.

Souvent, et c’est notoire, sa curiosité est accru pour les sujets qui nous concernent toutes les 3, quand nos vies intimes rencontrent des confrontations sociales, et son soutien est total.

 

De la part du personnel enseignant, de la direction de son école, une fois que les choses ont été dites, le respect est resté instauré.

Du côté des enfants, ce n’est même pas un sujet.

Tant mieux, en dialoguant en amont avec le personnel encadrant ça a pu court circuiter des attitudes déplacées.

Là aussi je pense que le ton est donné par les adultes.

Il y a eut de situations où j’ai dû agir (les insultes de parents vis à vis de moi lors d’une réunion parents prof). Heureusement il y a eut beaucoup de situations amusantes (la brochette de confidentes de ma fille qui me dévisageaient à la Sortie de l’école).

 

Et quelles sont vos influences et inspirations ?

Côté influences en bd, je fais partie de la génération pif gadget.

J’ai découvert après Charlier via Blueberry. puis l’incal, Hugo Pratt avec Corto Maltese et ses personnages si bien construits portants des caractères terribles, avec des vrais morceaux de Mythes à l’intérieur.

J’ai eut une période Spirou, Celui dessiné et scénarisé par Tome & Janry, que j’ai poursuivi avec le Petit Spirou, les albums sont d’ailleurs à la maison, ma fille les connaît par cœur.

Il y a une belle histoire sur la transidentité au milieu des chahuts d’enfants. (c’est publié au milieu des années 90)

Cailleteau & Vatine, m’ont transporté avec Aquablue, Vatine est resté en poster au dessus de ma table à dessin pendant mes études.

Le graffiti des années 80-90 m’a beaucoup influencé, le style simple et élégant de mode2 (ci-dessous), par exemple, pour l’élégance de ses personnages.

Thomas Ott, qui dessine sur de la carte à gratter, le seul en bd il me semble, pour son humour noir et corrosif, et la dynamique d'enchaînement de ses cases.

 

La personnage de Soda, par gazzotti, ce flic qui se fait passer pour un prêtre parce qu’il n’ose pas avouer son vrai métier à ses parents.

Tank Girl, de Jamie hewlett, une punk dans l’âme et en actes, pour son caractère Indépendant et l’abondance de gags graphiques.

Aujourd’hui je bloque sur Ms Marvel, qui a reçu le fauve du festival d’Angoulême, par Adrian Alphona. Les dessins d’une super héroïne sont à la fois innovants dans le style comics qui peut tendre vers des poncifs et j’adore observer des techniques incroyables de colorisation.

 

Je lis aussi beaucoup de Bd en ligne, Margaux Motin, Diglee ou Pénélope Bagieux, ressources à observer de près sur Instagram notamment.

 

Parlez nous de votre technique graphique ?

Comment travaillez vous ?

J’expérimente beaucoup de choses, je n’ai pas une mais plusieurs méthodes.

Quoiqu’il arrive c’est toujours crayon et quelque chose, encre ou aquarelle, poscas, encre acrylique ou ordi !

 

Pourquoi faire le choix qui est très répandu, de faire la mise en couleur sur ordinateur, plutôt qu'à la peinture ?

Le rendu final dépend seulement du support !

Pour le blog on est sur un rendu web, et je peux me lâcher sur les couleurs flash ! (Mon péché mignon :)

Il faut aussi prendre en compte le rythme de partage des histoires du blog : si je veux publier 1 fois par semaine j’ai besoin d’avoir un rendu conforme à ce que je vois directement, sans repasser par la retouche.

 

Pour l’histoire du Prince, j’ai conservé le trait au crayon et j’ai fait des « jus » d’aquarelle en camaïeu pour donner de la profondeur à travers la bichromie.

Pour Lou, les chroniques des sexismes ordinaires, j’ai privilégié le trait de crayon et j’ai travaillé les personnages discriminés avec des poscas et de l’encre acrylique rouge, au pinceau, pour les mettre en évidence.

Là le processus est plus long parce que je ne peins pas directement sur mes traits de crayons, je vais les scanner et les imprimer en noir et blanc. Ça me permet de dessiner les décors séparément, et de les ajuster sur ordi pour plus de souplesse.

Comment pensez vous faire évoluer le site et son contenu dans le temps ?

Avec tout ça, je verrais ai bien une BD.

Claire allez vous faire la BD ?

 

Le blog est ouvert depuis juillet 2017 et il y a plus de 20 stripes, sans les illustrations plus ponctuelles comme des fans art. En août j’ai refait le site entierement pour plus de confort de lecture et d’ergonomie. Toutes les esquisses, croquis et idées sont publiés sur le compte Instagram.

 

Si le blog partage des moments de vie, en plus,  je voudrais qu’il y ait des ouvrages édités. En un an j’ai construit, en collaboration avec scénariste, éditeur et chercheur.e.s, 4 projets de bd et romans graphiques.

Le conte « le prince qui était malheureux » est destiné aux enfants entre 5 et 10 ans. (Les deux premiers chapitres sont sur le blog).

Ça me tiens particulièrement à cœur que cette histoire puisse être utile à d’autres familles pour se comprendre.

Le projet « Lou, chroniques des sexismes ordinaires », qui est d’abord une étude, présenté pour une exposition éphémère à la fondation EDF, en mai dernier, est aujourd’hui plus étoffé.

L’importance de l’identification de comportements sociaux stigmatisants, est une des valeurs à laquelle je suis attachée.

( extraits des dessins )

 

Enfin j’ai réalisé à quel point l’histoire LGBT, et particulièrement T, ne fait pas partie de l’histoire que l’on peut lire dans les livres officiels.

Cette censure de l’histoire commune contribue à une absence de repères.

Or c’est aussi grâce à l’histoire que l’on peut se construire, que l’on peut comprendre par où sont passés nos sœurs et frères.

 

Les personnes qui ont lutté, pour des droits, pour de la visibilité, sont remarquables.

Et raconter leurs vies, et ce à travers quoi elles sont passées est juste nécessaire.

Aussi bien pour une communauté que pour le grand public.

Personnellement c’est quelque chose qui m’a manqué durant ma transition.

Il s’agit de deux projets de romans graphiques aboutis, sur deux personnages que l’on a trouvé importants.

 

teaser :

Enfin, j’aimerais beaucoup faire un album qui regroupe les histoires de maman trans. Avec toutes les histoires déjà écrites qui ne demandent qu’à être dessinées, il y a la matière pour 2 tomes au moins!

Maintenant un ouvrage prend du temps à concevoir (une planche en couleur c’est une semaine de travail).

 

Il me reste à trouver des collaborations qui me semblent équilibrées pour pouvoir être publiées. Ca se construit bien, j’espère pouvoir vous en dire plus lors de mon intervention au salon du livre Queer, Queeres Verlegen 2018, à Berlin le 17 novembre. Venez me voir !!!

 

 

Liens :

bdblog : https://mamantrans.com

Instagram :https://www.instagram.com/cestoutclaire/

Facebook : https://www.facebook.com/MamanTrans/